Reprise d’entreprise en difficulté : analyses préalables

Pour mener à bien la reprise d'une entreprise en difficulté, des analyses et des processus préalables sont à comprendre et à mettre en place.
Reprendre une entreprise en difficulté

Sur les 60.000 entreprises qui, chaque année partent en procédure collective, seulement 1 000 d’entre elles font l’objet d’une reprise. Cette statistique montre à la fois le vivier d’opportunités qui ne trouvent pas preneurs mais aussi l’incontestable risque de reprise d’entreprise en difficulté qui effraie nombre de dirigeants. Pour autant, une reprise à la barre du tribunal peut s’avérer extrêmement profitable.

Entre :

  • les subtilités du droit d’une reprise d’entreprise en difficulté
  • l’analyse des causes des difficultés
  • l’identification des leviers de retournement
  • et l’évaluation financière de la cible

l’accompagnement par des professionnels spécialisés est indispensable au repreneur.

De plus, les exigences de la procédure collective demandent une prise de décision rapide. Dans un délai souvent inférieur à 2 mois, il faudra :

  • bâtir un projet de reprise
  • établir des prévisions financières
  • calibrer au plus juste la restructuration
  • renégocier éventuellement les principaux contrats
  • convaincre les organes de la procédure
  • organiser la reprise de l’activité

La maîtrise de ce calendrier peut paraître complexe et réservée à des initiés.

 Il convient d’avertir le lecteur que, même si, a priori, les reprises à la barre laissent apparaître des prix de cession modiques, voire symboliques, le redressement des entreprises en difficulté nécessite souvent un investissement significatif tant financier que humain pour gérer le retournement jusqu’à son terme.

Le traitement des entreprises en difficulté regroupe d’une part les procédures amiables (mandat ad hoc et conciliation) et d’autre part les procédures collectives (sauvegarde, redressement judiciaire et liquidation judiciaire).

Le choix de la procédure collective est fortement guidé par la situation économique de l’entreprise qu’elle soit en état de cessation des paiements (redressement judiciaire ou liquidation judiciaire) ou pas (sauvegarde « classique » ou sauvegarde Financière Accélérée).

Il est important ce se faire suivre par un professionnel compétent dans le cadre d’une reprise d’entreprise

Analyse préalable de la cible avant la reprise d’entreprise en difficulté

Comprendre le contexte est une étape indispensable dans toute acquisition, qui plus est dans le cadre d’une procédure collective où le temps imparti à cette phase est extrêmement restreint. C’est pourquoi il est indispensable de bien s’entourer pour rapidement analyser les causes des difficultés et réaliser un audit juridique et financier.

Bien s’entourer de professionnels est important

Compte tenu des nombreuses spécificités des procédures collectives, de l’importance du risque d’échec et du large choix qui s’offre au repreneur pour reprendre une entreprise en difficulté, il est indispensable pour celui-ci de bien s’entourer pour analyser sa future cible. Ses conseils habituels, expert-comptable et avocat, sont généralement en première ligne pour l’assister dans son projet. De plus, la mise en place d’une équipe dédiée au sein de sa structure s’avère souvent payante.

Rôle de l’expert-comptable lors d’une reprise d’entreprise en difficulté

L’accompagnement de l’expert-comptable est véritablement un élément différenciateur tant pour la qualité et la consistance du projet, que pour rassurer les organes de la procédure par la présence d’un gestionnaire aux côtés du repreneur.

Dans le cadre d’une reprise d’une entreprise en difficulté, l’expert-comptable peut intervenir et accompagner les différentes phases de la reprise :

  • l’élaboration de l’offre de reprise
  • la restructuration de l’entreprise
  • l’assistance pendant la période d1observation
  • l’élaboration du business plan sous-tendant le plan de continuation

La formalisation de la mission de l’expert-comptable est une étape importante et prend la forme d’une lettre de mission spécifique. Cette dernière définira clairement l’étendue de sa mission et donc ses responsabilités, le cadre d’intervention, les obligations de chacun ainsi que le montant des honoraires.

Se faire accompagner d’un avocat spécialisé

L’avocat spécialisé dans le droit de reprise d’entreprise en difficulté apportera au repreneur sa vision et son expertise juridique non seulement sur la procédure collective en cours, mais aussi des contentieux en-cours ou latents qui sont fréquents dans ce genre de dossiers.

Habitué aux situations de crise, il sera à même d’apporter : des propositions de solutions juridiques adaptées, un appui lors des négociations notamment dans la formalisation des protocoles

d’accord, sa connaissance humaine des interlocuteurs (Juge-Commissaire, Administrateur Judiciaire, Mandataire Judiciaire, avocat de l’entreprise en difficulté).

Le binôme expert-comptable/avocat spécialisé s’avère souvent un duo gagnant pour les reprises à la barre du Tribunal.

L’importance des conseils internes et externes auprès du repreneur

Il est également conseillé au repreneur de constituer une équipe en interne pour étudier le dossier de reprise. En effet, le temps imparti pour prendre connaissance du dossier est généralement assez court (un mois en moyenne entre la publication de l’annonce et la date limite de dépôt des offres). De plus, une répartition des rôles permet non seulement d’aller plus vite et de bénéficier d’un ensemble de compétences complémentaires, mais également de diminuer les coûts des conseils externes.

À titre d’exemple, le repreneur peut également consulter:

Les partenaires de l’entreprise: banques, fournisseurs, clients,

  • La Chambre de Commerce et d’industrie (CCI)
  • Le réseau associatif local : Association C.R.A., le Réseau Entreprendre, La Banque de France par exemple

Déterminer l’origine des difficultés de l’entreprise

Redresser une entreprise nécessite tout d’abord de bien cerner les causes des difficultés. En effet et comme le confirme le célèbre adage “les mêmes causes produisent les mêmes effets », il est fortement probable que, si l’origine de la défaillance n’est pas clairement identifiée et corrigée, l’entreprise se retrouve, à nouveau, dans une situation de crise.

Pour autant, la défaillance d’une entreprise résulte fréquemment d’une conjonction de plusieurs facteurs, laquelle provoque un enchaînement d’effets dont le résultat est la cessation des paiements. Néanmoins, il est possible de classer les causes des difficultés selon deux grandes catégories: les causes externes et les causes internes.

Les différentes causes externes de défaillances

La conjoncture, telle que celle liée à Covid 19

L’environnement économique joue un rôle évident sur, non seulement les débouchés de l’entreprise, mais également sur le moral des chefs d’entreprise dont les conséquences sont la stimulation ou l’inhibition de leurs capacités à investir, à se développer ou au contraire à se protéger. La croissance, l’inflation, le taux de chômage, les prix des matières premières et les taux d’intérêt applicables aux entreprises sont autant de facteurs qui agissent sur le fonctionnement normal de l’économie. Ils peuvent libérer ou bloquer les leviers de prospérité et stimuler les conditions psychologiques de la réussite ou de l’échec.

Les spécificités sectorielles comme source de défaillances

La dynamique et la perspective du secteur d’activité ont des impacts directs sur l’entreprise et sa survie. En effet, la dégradation du chiffre d’affaires sectoriel, la faiblesse des niveaux de marge observée et l’agressivité de la concurrence sont autant d’indicateurs sur la fragilité d’un secteur et des entreprises qui le composent. Les secteurs peu porteurs sont donc à proscrire, sauf à faire évoluer l’offre, à bénéficier de synergies ou à renforcer le poids des marques pour obtenir une position de leadership et/ou positionner l’entreprise sur d’autres secteurs d’activité.

Un choc externe pouvant impacter l’entreprise

L’entreprise peut être fragilisée par des évènements inattendus et soudains comme:

  • D’une part, les chocs purement externes comme la défaillance d’un partenaire commercial dont l’entreprise est fortement dépendante, la perte d’un client important suite à un désaccord, les pressions exercées par la concurrence, un incendie
  • D’autre part, les chocs liés à des facteurs humains comme un accident de la vie privée (décès, maladie, divorce…une mauvaise entente entre associés, partenaires ou hommes-clés, une transmission de l’entreprise mal préparée ou mal acceptée

Les différentes causes internes de défaillances

Les causes internes sont généralement les plus dures à détecter, mais il est indispensable d’y remédier pour réussir le redressement de l’entreprise.

Des choix de gestion qui ne sont pas judicieux

Souvent pointés du doigt lors des défaillances d’entreprises, les dirigeants sont fréquemment critiqués dans leur choix de gestion. Pouvant à postériori être qualifiés d’erreurs de gestion, ces choix non-judicieux sont rarement volontaires et résultent plutôt d’une inexpérience, d’une tendance à ne pas voir la réalité en face, de l’absence de remise en cause…Tous les domaines de l’entreprise peuvent être touchés comme le manque de rigueur dans les dépenses, les contrats-clients mal négociés, une mauvaise organisation, une hiérarchie déresponsabilisante, une structure de coûts inadaptée…

D’ailleurs, la mauvaise gestion de l’entreprise est, aux yeux des Administrateurs Judiciaires et des Mandataires Judiciaires la cause principale des défaillances des entreprises.

Des mauvaises orientations stratégiques

Décidés par le conseil d’administration ou de surveillance, les choix stratégiques peuvent s’avérer fatals à la pérennité de l’entreprise. De nombreux exemples peuvent illustrer ces décisions qui se sont révélées inadaptées au contexte :

  • Croissance externe mal maîtrisée ou sans justification économique
  • Virage technologique manqué
  • Frais de recherche et développement financés en pure perte
  • Mauvais choix d’investissements (absence de retour sur ..)
  • Stratégie commerciale inadaptée (politique de prix, dépenses ..)
Une structure financière qui est inadaptée

Le manque de capitaux propres aggrave la fragilité d’une entreprise et ne permet pas, le cas échéant, de surmonter une difficulté passagère. Un effet « boule de neige » peut résulter d’une trop forte dépendance à l’égard des banques et des créanciers.

La difficulté à obtenir des crédits bancaires, notamment en cette période de crise, accentue la fragilité de la structure financière et les entreprises sont contraint d’avoir recours à des financement plus coûteux (découvert, affacturage, crédit-baux…).

Une mauvaise qualité de l’information

L’origine des difficultés peut être également liée à une mauvaise qualité de l’information. En effet, comment prendre de bonnes décisions si les informations sont fausses ? Cette défaillance peut provenir d’un système d’information non fiable ou pas à jour, d’une mauvaise organisation ou d’une absence de contrôle (comptabilité analytique, suivi des stocks, contrôle de gestion).

La spirale de l’échec : ce qu’il faut prendre en compte

Dès les premiers symptômes annonciateurs des difficultés financières, des mesures correctives doivent être mise en place. Cela permet d’éviter d’entrer dans la spirale de l’échec, aussi appelée « spirale de la défaillance ».

Détecter l’origine exacte des difficultés peut donc s’avérer difficile. En effet, chaque phase de la spirale de l’échec constitue en elle-même de nouvelles causes des difficultés.

Par exemple, la baisse du chiffre d’affaires peut très vite entraîner une baisse de la rentabilité s’il n’y a pas ajustement rapide des charges. La rentabilité n’étant plus au rendez-vous, c’est la capacité de l’entreprise à produire son autofinancement qui diminue, entraînant très rapidement la recherche de nouveaux financements (externes) pour ne pas subir un manque de liquidités. Si ces besoins de liquidités ne sont plus couverts (perte de confiance des partenaires financiers du fait de l’absence de rentabilité par exemple), la cessation des paiements peut intervenir très vite et c’est la défaillance.

De plus, il convient de signaler le drame humain qu’une défaillance représente pour le dirigeant lui-même et pour sa cellule familiale : cette dimension psychologique et humaine est très présente dans les cas de défaillance d’entreprises et ne fait qu’accélérer cette spirale de l’échec.

Effectuer un audit juridique et financier

Comme pour toute acquisition, un audit exhaustif est indispensable. Or, alors même que de telles investigations sur les aspects comptables, juridiques et sociaux sont encore plus impératives dans le cas d’une société en situation de précarité économique, le temps imparti à cette analyse est souvent, dans le cas d’une reprise d’entreprise en difficulté, extrêmement limité.

Le repreneur et son expert-comptable devront se baser sur les informations fournies par l’Administrateur Judiciaire et par le dirigeant souvent sans possibilité de procéder à des vérifications approfondies. C’est pourquoi, le business plan prévisionnel devra tenir compte d’une marge d’incertitude.

L’analyse du passif et ses différents enjeux

La détermination du passif répond à deux enjeux :

  • Dans le cadre d’un plan de continuation, il faut prévoir de rembourser l’exhaustivité de ce passif sur un maximum de dix ans
  • dans le cadre d’un plan de cession, le repreneur aura tout intérêt à connaître le montant du passif pour comprendre les enjeux du dossier

Pour cela, la déclaration de cessation des paiements (DCP) peut servir de base de départ pour cette évaluation. Néanmoins, il faut savoir que, dans la pratique :

  • le passif déclaré dans ce formulaire administratif est généralement sous-estimé de l’ordre de 30 à 80% par le chef d’entreprise. Cette sous-estimation est soit d’un excès d’optimisme, soit un souci de ne pas aggraver la situation aux yeux du Tribunal
  • en outre, ce document n’est généralement communiqué ni par le dirigeant et ni par l’Administrateur Judiciaire. Le repreneur peut néanmoins solliciter la communication de ce document qui peut être révélateur puisqu’il exprime la vision du dirigeant à l1instant où il dépose son bilan

En général, c’est l’état du passif communiqué par le Mandataire Judiciaire qui sert de référence à ce calcul. Le format de ce document varie d’une étude de Mandataire Judiciaire à l’autre, avec une constante qui est la difficulté de compréhension pour un non-initié. Il est donc recommandé de se faire préciser les zones d’ombre par le professionnel qui a établi ce document. Il est prudent de lui faire préciser si sont inclus dans cet état :

  • les avances faites par l’AGS et les frais de procédure
  • les éventuelles dettes de la période d’observation

Il est fréquent, dans la pratique, que ces éléments manquent, d’où des surprises de taille qu’il convient d’anticiper.

La classification du passif selon sa nature

Pour appréhender précisément ce passif, il convient tout d’abord de bien le classifier selon sa nature. Le passif :

  • super-privilégié (c’est à dire les créances salariales et les avances opérées par l’AGS, ainsi que les frais de justice)
  • privilégié (principalement le Trésor Public et les organismes sociaux)
  • bénéficiant d’une hypothèque ou d’une sûreté
  • chirographaire
  • à échoir, notamment dans le cadre de contrat de crédit-baux

De plus, il convient de bien appréhender les engagements hors bilan et les contentieux en cours. En effet, même si ces derniers ne font pas à proprement parler partie du passif à apurer dans le cadre d’un plan de continuation, le repreneur sera tenu d’y faire face.

Audit stratégique d’une reprise d’entreprise en difficulté

L’audit stratégique permet non seulement de valider l’intérêt de l’acquisition, mais également de bâtir l’argumentaire quant à la pertinence de l’opération. Parmi les nombreux outils à la disposition du repreneur, les plus utiles sont :

  • le diagramme de Porter
  • la matrice SWOT
Le diagramme de porter : un outil d’audit stratégique

Pour mieux appréhender l’environnement de l’entreprise, le diagramme de Porter offre une visualisation simple pour positionner la cible dans son marché. Cinq forces/menaces composent ce diagramme :

  • Intensité de la concurrence
  • Nouveaux entrants
  • Pouvoir de négociation des clients
  • Pouvoir de négociations des fournisseurs
  • Produits de substitution

L’analyse de l’environnement par le diagramme de Porter permet de mesurer l’attractivité du marché et la position de force ou de faiblesse de l’entreprise face à ses partenaires (clients/fournisseurs) et par rapport à ses concurrents.

La matrice de SWOT permettant de nourrir l’audit stratégique

Derrière cet anglicisme se cache une approche simple et connue. S comme Strength (force), W comme Weakness (faiblesse), O comme Opportunity (opportunité), T comme Threat (menace). L’objectif de cette analyse est d’identifier environ 5 propositions par cases au maximum  soit une vingtaine au total. Cet exercice doit être réalisé en amont de la reprise et il faut s’astreindre à le reconduire régulièrement (tous les six mois par exemple) pour mesurer les progrès et les zones d’attention particulières.

L’aboutissement naturel de l’audit stratégique est l’audit technique. Ce dernier s’attachera à apprécier la valeur des diverses composantes techniques de l’entreprise : l’outil industriel, les machines, l’ordonnancement, la logistique… En effet, il est extrêmement important d’avoir une idée précise des investissements à prévoir (notamment pour construire le tableau de trésorerie) et de savoir si des gains de productivité et/ou une diminution des coûts de production peuvent être anticipés.

Audit des contrats de l’axe juridique et fiscal avant la reprise d’entreprise

La démarche d’audit ne serait pas complète sans une revue des contrats qui lient la société à ses partenaires, notamment les accords particuliers.

Un plan de cession partielle ou totale

Le dossier de présentation remis par l’Administrateur Judiciaire ou le Mandataire Judiciaire mentionne généralement les contrats qu’il est possible de reprendre dans le cadre de l’offre de reprise. C’est donc au repreneur, dans son offre de reprise, d’indiquer les contrats qu’il souhaite reprendre. Le Tribunal reprend dans son jugement de cession la liste des contrats repris. Cette démarche permet au repreneur de s’en prévaloir auprès des cocontractants.

Au niveau salarial, un plan de cession permet au repreneur de choisir les postes qu’il souhaite reprendre. Pour autant, les conditions contractuelles existantes perdurent (contrat de travail, convention collective, usages, ancienneté…).

Plan de continuation présenté par un tiers-repreneur

Un des avantages de ce mode d’acquisition est de pouvoir gérer l’entreprise pendant toute la période d’observation. Cette période est propice à l’analyse des contrats, des litiges et des engagements de l’entreprise. En liaison avec l’Administrateur Judiciaire, le repreneur pourra, en fonction de son analyse, rompre ou au contraire exiger la poursuite de tel ou tel contrat. Néanmoins, il conviendra de tenir compte des éventuelles indemnités de résiliation induites par ces ruptures qui se rajouteront au passif à apurer.

Au niveau des contrats de travail, l’Administrateur Judiciaire peut solliciter l’autorisation du Juge-Commissaire pour tout licenciement. Cette restructuration pourra être financée soit par l’entreprise, soit par une avance de l’AGS qui devra, elle-aussi, être remboursée dans le cadre du plan de continuation.

En complément de cet audit des contrats, le repreneur cherchera à :

  • identifier l’ensemble des risques juridiques
  • évaluer les litiges en cours
  • détecter les éventuels problèmes environnementaux

De même, au niveau social, le repreneur devra appréhender les facteurs non écrits qui peuvent influer la future organisation : le potentiel humain, les mentalités, les revendications, les conflits internes, les réticences au changement…

Comme nous l’avons vu, cette phase d’analyse de la cible doit permettre de formaliser les orientations stratégiques et de bâtir les projections financières. Autant d’éléments qui serviront à la fois, à présenter le projet d’entreprise dans le document remis au Tribunal, et également à aider le repreneur à évaluer correctement la cible.

Évaluation financière de la cible avant la reprise d’entreprise

Une fois la cible identifiée et analysée, le repreneur avec l’aide de son expert-comptable procèdera à son évaluation financière.

L’objectif de cette évaluation financière est double :

  • permettre de choisir son mode de reprise à la barre (offre de reprise dans le cadre d’un plan de cession ou rachat des titres suivi d’un plan de continuation)
  • définir sa stratégie de prix proposé et justifier sa valorisation au Tribunal

La démarche inhérente à l’évaluateur

Problématiques générales liées à l’évaluation des entreprises en difficulté

Par définition, une entreprise en difficulté se confronte à des problèmes de trésorerie. Ce problème est du fait, soit :

  • de l’accumulation de dettes trop importantes par rapport à sa capacité de remboursement
  • soit d’une consommation de trésorerie trop importante par rapport à ses fonds propres
  • soit une combinaison des deux

Si aucune solution n’est trouvée, l’entreprise en difficulté disparaîtra dans un futur plus ou moins proche.

Or, comment évaluer une entreprise qui est proche de la fin ?

  • Par son patrimoine ? Mais, quelle valorisation retenir si les dettes sont supérieures à la valeur des actifs?
  • Par sa rentabilité ? Mais, comment faire si cette dernière est inexistante voire négative ?
  • Par comparaison ? Mais, est-ce pertinent de comparer une société in bonis avec une société en difficulté ? Ou bien, est-ce que les prix de cession constatés lors des reprises à la barre reflètent-t-ils bien la véritable valeur de l’entreprise?

Alors que toutes les méthodes « classiques » semblent inadaptées, quelle peut être la démarche de l’évaluateur d’une entreprise en difficulté ? Quelle méthode utilisée ? Pour quelle conclusion? À cela, se rajoute une autre problématique : l’option pour le repreneur de choisir son mode de reprise. (Parts sociales ou fonds de commerce sans reprise du passif). L’objectif des travaux de l’évaluateur sera donc à la fois d’évaluer l’entreprise en difficulté elle même, mais aussi de procéder à une évaluation financière des différents scénarios possibles. 

Proposition d’une démarche méthodologique

Compte tenu de la contrainte de temps, la démarche proposée se veut simple et rapide. Cela passe par la décomposition en éléments-clés de la valorisation. (Valeur de l’entreprise, dettes financières et coûts de restructuration) et en fonction de l’avancement de la procédure et de ses perspectives (entreprise définitivement compromis, incertaine ou en bonne voie).

Évaluation des chances de redressement de la cible

Avant tout, l’évaluateur devra s’attacher à évaluer les chances de redressement de la cible. Cette chance dépendra non seulement de ses fondamentaux (valeur des actifs, positionnent stratégique et perspectives financières), mais également :

  • de l’ampleur de ses difficultés économiques et juridiques
  • des actions déjà amorcées pour traiter ses difficultés et de la phase du redressement de l’entreprise
  • de la capacité de la structure à surmonter cette crise
Les éléments à décomposer durant l’évaluation

Pour évaluer une entreprise en difficulté, on préconise de décomposer les sous­ ensembles suivants :

  • la valeur de l’actif économique (VE ou Valeur de l’Entreprise)
  • la valeur des dettes financières (DF)
  • les coûts de restructuration (CR), c’est à dire l’investissement nécessaire pour redresser l’entreprise

Valeur de la Société (VS) = Valeur d’entreprise (VE) – Valeur des dettes financières (VF) – Coûts de restructuration (CR)

Cette démarche d’évaluation a l’avantage de s’adapter à l’ensemble des cas de figures, en cas de :

  • liquidation : les dettes (VF) deviennent immédiatement exigibles. Les coûts de restructuration (CR) se ‘transforment’ en coûts de liquidation (CL)
  • plan de cession : l’absence de reprise des dettes financières conduira à valoriser VF à zéro. Par contre, il conviendra d’intégrer dans la valeur d’entreprise (VE) le besoin en fonds de roulement (BFR)
  • plan de continuation : l’étalement du passif sera intégré dans la composante VF. De plus, il sera possible de rajouter la valorisation de certains actifs, comme les déficits
Les particularités propres à un plan de continuation

Dans l’hypothèse où le Tribunal arrête un plan de continuation, l’entreprise bénéficiera d’un étalement du passif et conservera le report des déficits fiscaux. A contrario, elle devra supporter l’ensemble des coûts de restructuration.

L’actualisation du passif & les taux d’actualisation

Dans le cas particulier d’un plan de continuation, le Tribunal peut autoriser un étalement du passif. Cet étalement peut avoir une durée allant jusqu’à dix ans. Par ailleurs, on peut mettre en place une grande souplesse dans la modularité des échéances. Dans ces conditions l’évaluateur devra programmer l’ensemble des échéances prévues ou prévisibles et procéder à une actualisation de ces flux. Le taux d’actualisation à retenir peut être :

  • soit le taux sans risque : si l’on se place du point de vue de l’entreprise qui bénéficie d’un étalement gratuit de son passif
  • soit le taux d’intérêt auquel l’entreprise aurait dû se financer : si l’on se place dans l’optique de comparaison avec une entreprise in bonis qui devrait, elle, contracter un emprunt bancaire
  • ou au coût du capital : si l’on se place du point de vue du créancier
L’évaluation des déficits fiscaux : les choix possibles

Les déficits fiscaux, en général significatifs dans une entreprise en procédure collective, sont un des principaux arguments qui conduisent le repreneur à opter pour une reprise via un plan de continuation. Deux choix s’offrent à l’évaluateur :

  • intégrer dans les flux de trésorerie les économies d’impôt générées par ce déficit reportable et actualiser des flux net d’impôt (voir ci-après la méthode par actualisation des cash-flows futurs)
  • évaluer, d’une part, l’entreprise comme si elle payait des impôts et, d’autre part, la valeur actualisée des économies d’impôts générées par ce déficit reportable. On préconise la première option pour sa simplicité de mise en œuvre
Les coûts de restructuration : quels sont-ils ?

Les coûts de restructuration incluent tous les coûts nécessaires au redressement durable de l’activité, au premier rang desquels figurent :

  • les pertes intercalaires, c’est à dire les pertes que devra subir la société pendant toute la période de restructuration
  • les coûts du plan de sauvegarde de l’emploi (PSE): indemnités légales, indemnités transactionnelles, mesures de reclassement par exemple
  • les investissements lourds : déménagement, modernisation de l’outil de production et du système d’information,
  • le coût de rupture de certains contrats (crédits-baux ou autres contrats à long terme), les mesures de relance de l’activité : marketing, recrutement par exemple

En général, ces coûts de restructuration sont décaissables immédiatement, sauf à trouver un financement spécifique.

Avant toute chose, il est crucial d'analyser la situation financière de l'entreprise, sa structure de coûts, ses dettes, ses actifs, et son modèle économique pour comprendre les raisons des difficultés rencontrées.

Pour évaluer la viabilité, il faut réaliser un audit de l'entreprise, en examinant notamment la pertinence de son offre, sa position sur le marché, et la solidité de ses relations commerciales.

Le diagnostic social permet d'évaluer le climat interne, les compétences des salariés, les contrats de travail, et les éventuelles tensions sociales. C'est un élément déterminant pour la réussite de la reprise.

Oui, il est souvent possible de renégocier les dettes avec les créanciers, notamment dans le cadre d'une procédure de redressement judiciaire.

Le plan de redressement est essentiel : il définit la stratégie et les mesures à mettre en place pour assurer le retour à la rentabilité de l'entreprise.

Il est impératif de faire un audit juridique pour s'assurer que toutes les obligations légales sont respectées et pour identifier les éventuels litiges en cours ou à venir.

Il existe des aides publiques et des dispositifs spécifiques pour soutenir la reprise d'entreprises en difficulté, tels que les prêts bonifiés, les garanties bancaires, ou encore les aides à l'investissement.

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