Les prix de transfert : définition, application, conseils

Vous trouverez l'ensemble des informations relatives aux prix de transfert. Les mesures d'application et conseils donnés sont à respecter.
Qu'est ce que les prix de transfert ?

Définir le périmètre d’application du principe des prix de transfert

Les transactions régies par l’article 238A du CGI

Le principe des prix des transfert ou principe de pleine concurrence est un dispositif fiscal anti-abus qui présume « fictifs et ayant un caractère exagéré » les montants réglés à des entités domiciliées dans un État soumis à une fiscalité privilégiée. Dès lors, pour assurer la déductibilité fiscale en France des dites sommes, le contribuable doit prouver que :

  • Ces dépenses relèvent des opérations courantes d’exploitation
  • Ces versements correspondent à des charges effectives réalisées dans des perspectives autres que celles d’échapper à l’impôt en France

L’expert-comptable s’attachera à identifier, au sein de la filiale française, les autres transactions dites « à haut risque ». D’ailleurs dans le cadre des devoirs du professionnel de l’expertise comptable, il est prévu une obligation de vigilance à l’égard des opérations réalisées par le client. À ce titre, il doit opérer un examen approfondi des opérations complexes, d’un montant anormalement élevé ou sans justification économique.

Les transactions liées et leurs différentes natures

Le prix de transfert s’apprécie au cas par cas et transaction par transaction. Il convient d’en dresser les grandes typologies pour ainsi décrire les risques associés et la méthode des prix de transfert adaptée à chaque type de transaction. En effet, pour chaque catégorie, nous nous attacherons à définir les éléments clés.

Les transactions commerciales de type courantes

Dans ce cadre, nous catégoriserons tous les échanges portant sur des services, des biens corporels et effectués entre les entreprises liées. L’objet de ces transactions courantes ne comporte pas un fort contenu « incorporel ». Ces opérations sont de nature courante car elles génèrent  une forte valeur ajoutée,  au niveau du groupe, tant pour le prestataire que pour le bénéficiaire. Elles portent sur des biens ou des services semblables à ceux habituellement réalisées par d’autres entreprises indépendantes sur le marché. Parmi ces produits, il peut s’agir d’une matière première ou d’une prestation technique.

Cependant, un service intra-groupe, inhérent à une transaction de cession d’un droit incorporel, sera analysé dans le cadre de cette même transaction globale portant sur un actif incorporel.

Les versements en rémunération de droits incorporels : brevets, marques

D’un point de vue pratique, le droit incorporel s’analysera en deux catégories de biens :

  • Bien incorporel commercial correspondant à un savoir-faire composé de connaissances exclusives qui favorise le développement d’une activité commerciale
  • Bien incorporel manufacturier correspondant à un savoir-faire composé d’informations techniques, brevetable ou non, qui sont indispensables dans le processus

Cette distinction est primordiale pour fixer les rémunérations applicables pour la cession ou utilisation à ces actifs. En vue de l’application du Principe de Pleine Concurrence à ces droits, il convient de s’assurer des deux points suivants :

  • Si la rémunération de l’utilisation du droit incorporel est bien comprise dans le prix de vente de marchandises ou d’une prestation de services. il en est ainsi lorsque celle-ci a un caractère technique et est accompagnée d’un transfert de technologie ou de savoir-faire. L’OCDE recommande que lorsqu’un prix global est demandé pour une marchandise et un droit incorporel, il faudra décomposer ce prix pour calculer un montant de redevance ; soit la base des retenues à la source dans les pays qui les prélèvent
  • Si un contrat global prévoit le transfert d’un ensemble de droits incorporels, l’OCDE recommande d’apprécier la rémunération en individualisant chacun des éléments cédés tel avec le brevet de fabrication accompagné du savoir-faire et de la marque inhérents au brevet

Les prestations de services intra-groupes et leurs conventions

Sous cette appellation, nous inclurons, les fonctions centrales de soutien assumées par une même entité, souvent la société mère, pour le bénéfice de l’ensemble des entités du groupe. Cette centralisation permet d’améliorer la rentabilité et l’efficacité du groupe ; car chaque filiale peut ainsi se recentrer sur son métier propre en évitant de se disperser dans des activités qui lui sont lourdes à gérer.

En pratique, ces services intra-groupe font l’objet de conventions écrites stipulant les parties impliquées, la nature des prestations fournies, leur mode de rémunération, leur durée et les modalités de prorogation ou de résiliation. La convention de services intra-groupe la plus fréquente est celle de « management fees » qui vise les prestations de services et d’assistance en matière de gestion comptable, financière ou juridique. Pour connaître la liste des principales conventions intra-groupe, vous pouvez consulter notre page dédiées aux conventions intra-groupe.

L’administration exerce un contrôle systématique sur ces facturations intra­-groupe car elles peuvent être un moyen d’optimiser les résultats fiscaux des filiales en jouant sur la répartition du résultat imposable selon les lois des pays.

Les détails associés aux transactions liées

Ces transactions ont comme particularités :

  • D’affecter significativement le bilan et le compte de résultat de la filiale
  • De pouvoir relever plus facilement des montages d’optimisation
  • D’évaluer au cas par cas la contrepartie l’avantage
Les relations financières : de quoi s’agit-il ?

Il s’agit des prêts, des lignes de découvert, des avances et des cautionnements que les membres d’un groupe peuvent s’octroyer mutuellement. Ceux-ci sont naturellement acceptables si chaque engagement financier pris par un membre lui apporte un avantage au moins équivalent à celui dont aurait bénéficié un tiers indépendant. Un désavantage excessif imposé à la filiale constituerait un transfert indirect de bénéfices. Pour apprécier le caractère « normal » des conditions de l’opération financière, il convient de considérer les éléments suivants :

  • Les montants au regard de la situation financière des entreprises en présence, et de la trésorerie de l’entité qui accorde le prêt ou la caution
  • Les taux d’intérêt appliqués au regard de la nature de l’opération et de sa durée. Ils s’apprécieraient au vu des conditions pratiquées à l’intérieur du groupe
  • Un traitement cohérent sinon égalitaire entre toutes les entités du groupe

On constate aussi la mise en place d’un pool de trésorerie dont la gestion est confiée à la maison-mère ou à une entité dédiée. Ceci est formalisé au travers d’une convention de trésorerie.

Les abandons de créances : ce qu’il faut savoir

À titre d’exemple, la filiale renonce à percevoir des intérêts prévus, au départ, dans une convention de trésorerie ; en raison d’un avantage commercial certain pour l’entité qui a prêté. Il en est ainsi lorsque l’abandon est justifié par la nécessité de garantir la pérennité de l’activité de la filiale étrangère. Dans le cas contraire, cet abandon sera vu comme un transfert indirect de bénéfice par l’administration fiscale sur la base de l’article 57 du CGI.

Les activités ou services dits d’actionnaire

Il s’agit des charges engagées par la maison mère en sa qualité d’actionnaire. Ces services ne doivent pas être refacturés aux autres entités du groupe car seulement motivés par le lien capitalistique de participation. Lors de l’analyse de ces coûts, on se posera les deux questions suivantes :

  • Le coût procure-t-il un avantage au groupe entier ou seulement à la société mère ?
  • Doit-il être attribué aux filiales ou être considéré comme bénéficiant à une seule filiale ?
Les relations entre le siège et les établissements stables

L’établissement stable se définit comme « une installation fixe d’affaires par l’intermédiaire de laquelle une entreprise exerce tout ou partie de son activité ».

Ces structures constituent le prolongement du siège. L’objectif poursuivi est de faire en sorte que le lieu d’imposition des bénéfices corresponde au lieu d’exercice des activités économiques à l’origine de ces bénéfices.

Pour ce faire, on anticipe dans le contrat d’export une décomposition claire des activités et les entités qui les exécutent. En pratique, la règle définie ci-dessus suscite des difficultés d’application dès lors qu’il s’agit des contrats d’export complexes exécutés à la fois par le siège et l’établissement stable. D’où l’intérêt de la mise en place d’une grille d’analyse fiscale pour les contrats à l’international.

L’ES est dépourvu de personnalité juridique, il en résulte une autre difficulté dans la pratique des prix de transfert, qui réside dans l’absence de la formalisation des opérations entre un ES étranger et la filiale française dont il fait partie.

Les enjeux de la pratique des prix de transfert

En définissant un prix de marché pour les transactions intra-groupe, les directions fiscales s’efforcent à trouver un équilibre entre des objectifs qui ne sont pas toujours compatibles ; à savoir :

  • Optimiser l’intérêt global du groupe par une meilleure allocation des ressources en jouant sur les différents critères d’attractivité des pays
  • Optimiser l’impôt global du groupe
  • Obtenir une image fidèle des flux et de la performance de chaque entité

Servir l’intérêt économique du groupe : un enjeu à considérer

En évaluant le prix des produits vendus ou des prestations fournies à l’intérieur d’un groupe, le professionnel tiendra compte des liens particuliers existant entre la filiale et sa maison-mère. En effet, au-delà de la valeur nominale du prix parfois difficilement chiffrables, consistant en avantages divers résultant de l’appartenance au groupe : approvisionnements privilégiés, volonté de pénétration d’un nouveau marché stratégique, facilités de trésorerie, économies d’échelle, notoriété commerciale liée à l’utilisation de la marque du groupe…

Par ailleurs, le groupe peut déployer une organisation qui s’écarte, du moins temporairement, des prescriptions du principe de pleine concurrence. Ainsi, il arrive que les entités liées du groupe concluent entre elles un ensemble de transactions distinctes mais continues qui devront être regroupées pour aboutir à un prix normal du marché. Tel est le cas d’un contrat à long terme de fournitures des biens ou de services pour lequel un groupe fait intervenir plusieurs de ses filiales chacune dans son domaine d’expertise, ou implique celle qui a des ressources disponibles pour réduire sa sous-activité, voire, celle qui est simplement plus compétitive sur ce marché. Le groupe optimise ainsi les ressources disponibles auprès des filiales et permet à celle qui présente un carnet de commande faible d’avoir de l’activité en travaillant pour les autres entités qui présentent un carnet commercial important.

Obtenir une image fidèle de la performance de chaque filiale

Les prix de transfert n’ont pas d’influence sur les états financiers consolidés du groupe. Les opérations entre les sociétés liées sont annulées en consolidation ; il n’y a eu aucune création de valeur pour le groupe. Cependant, les transactions intra-groupe affectent les comptes individuels de la filiale, au même titre que les opérations effectuées avec des tiers extérieurs.

Analyser les méthodes de fixation du prix de transfert de l’administration fiscale

Les entreprises sont libres de choisir la méthode à appliquer lors de l’évaluation des échanges intra-groupe. Cependant, les tests effectués, lors du processus de sélection, doivent, d’abord, considérer les faiblesses des méthodes traditionnelles de l’OCDE pour ensuite démontrer le caractère pertinent de l’autre méthode retenue compte tenu des circonstances de la transaction en question.

Définir les indicateurs utilisés au sein des méthodes : aspects comptables

S’agissant, des indicateurs calculés à partir des données comptables, leur utilisation, à des fins de comparaison, requiert de la prudence. En effet, les pratiques comptables des entreprises peuvent encore diverger. Même en appliquant le même référentiel comptable avec des règles claires et précises, les entreprises ont toujours une certaine marge de manœuvre lors de la mise en pratique de la règle comptable. À ce titre, on peut citer le calcul des provisions sur stocks ou clients et le calcul des amortissements et la classification. Ces différences liées aux pratiques comptables créent alors des biais qu’il faut neutraliser lors de la comparaison des indicateurs de profit.

Il convient de choisir un indicateur de profit qui soit en rapport avec des éléments déterminants de l’activité. C’est ainsi qu’il faut pondérer l’indicateur de profitabilité retenu par rapport au total des actifs pour une activité qui nécessite des investissements importants. Tous ces ratios ont un numérateur commun : le résultat opérationnel.

L’utilisation du résultat opérationnel : un indicateur de comparabilité

Il est aussi appelé l’EBIT, c’est un excellent indicateur qui garantit une certaine comparabilité. Il mesure la performance de l’activité de l’entreprise sans intégrer les éléments financiers et exceptionnels qui sont sans lien direct avec le chiffre d’affaires. En normes françaises, il faut retenir le résultat d’exploitation.

L’excédent brut d’exploitation : que mesure-t-il ?

Il mesure la ressource tirée du cycle d’exploitation indépendamment de la politique financière et fiscale de l’entité. En effet, cet indicateur exclut les charges calculées telles que les amortissements et provisions. L’EBE prend en compte les redevances de crédit-bail ou de location financière. Il est ainsi dépourvu d’une cohérence comptable nécessaire lors de l’analyse. Une vigilance accrue s’imposerait si l’EBE était retenu en lieu et place du résultat d’exploitation lors de l’analyse de comparabilité.

Les autres ratios qui sont les plus récurrents

La pertinence de l’analyse de comparabilité dépend du choix d’un ratio de référence qui restitue au mieux le bénéfice opérationnel de pleine concurrence à attribuer à un producteur ou à un simple distributeur.

La problématique des prix de transfert relevant de l’exploitation, les administrations fiscales optent souvent pour des indicateurs sur l’activité donc sur le CA et les coûts d’exploitation.

  • Ratio de Berry : marge brute/ dépenses d’exploitation. C’est la méthode utilisée pour évaluer la valeur du service rendu par un distributeur. Le ratio de Berry peut être converti en marge sur les coûts en soustrayant 1 du ratio. Si R = 1,15, la marge= 1,15 -1 = 0,15 soit 15%. La modalité de la méthode du prix de revient est majoré
  • Ratio du CA est le rapport entre le Résultat net d’exploitation et le CA. Il permet d’évaluer la rémunération d’un agent distributeur. À la différence de la marge brute, le résultat net d’exploitation atténue l’impact des différences fonctionnelles entre les entreprises
  • Ratio des coûts d’exploitation. C’est le rapport entre le Résultat net d’exploitation et les coûts d’exploitation totaux. Il permet d’évaluer la juste rému­nération d’un prestataire de services ou producteur

Cette définition préalable prend tout son sens pour la méthode transactionnelle de partage des bénéfices. S’agissant d’une méthode fondée sur des comparaisons des indicateurs de bénéfices nets réalisés entre entreprises libres.

Les méthodes traditionnelles détaillées de l’OCDE

Ces méthodes sont caractérisées par le fait qu’elles se focalisent sur l’objet de la transaction, à savoir le prix. Elles ne s’intéressent pas à la rentabilité de l’entreprise, car il s’agit d’une question de prix et non d’analyse financière. Elles sont recommandées, comme méthodes préférentielles, par l’OCDE qui distingue dans l’ordre d’utilisation:

Méthode du prix comparable, l’expression, du principe des prix de transfert

Cette méthode paraît la plus facile des méthodes à utiliser. Il suffirait d’appliquer le prix du marché à la transaction liée. Or en pratique, en raison du secret des affaires, il est difficile de repérer une opération similaire. Au mieux, si des informations sur une opération libre seraient disponibles, ses conditions matérielles ne coïncideraient pas forcément avec celles de la transaction liée pour constituer un élément comparable externe pertinent. Dès lors, l’une des solutions serait, pour notre filiale, d’identifier dans ses relations avec les autres tiers des transactions comparables à celles exécutées avec les parties liées, on parlera alors de « comparables internes ».

La méthode du prix de revente minoré : que permet-elle ?

Cette méthode reconstitue le prix d’achat normal d’une filiale à partir de son prix de vente à un client indépendant diminué de la marge lui permettant de réaliser un bénéfice suffisant pour imputer ses propres frais d’exploitation.

La méthode du prix de revient majoré : les explications

La méthode du « cost- plus » reconstitue le prix en appliquant une marge au prix de revient. Celui-ci est calculé sur la base du coût standard de production. L’objectif étant de ne pas traduire dans le prix l’effet d’une éventuelle efficience ou inefficience de la société. Quant au taux de marge, il est pertinent dans la mesure où il correspond à celui que le vendeur dégage lorsqu’il réalise des opérations comparables avec des autres tiers.

Cette méthode convient notamment lorsque on est en présence d’un fabricant sous contrat ou à façon.

En conclusion, compte tenu des inadaptations aux transactions portant sur des produits et services élaborés et fortement imbriqués de ces trois méthodes traditionnelles, l’OCDE a prévu des méthodes alternatives.

La pertinence des nouvelles méthodes de transaction basées sur les bénéfices

Le rappel précédent sur les indicateurs de profit trouve dans cette section toute sa pertinence. En effet, il s’agit de comparer des indicateurs de bénéfices nets réalisés entre entreprises indépendantes et entreprises associées, afin d’estimer les bénéfices que l’une ou chacune des entreprises liées aurait pu obtenir si elle avait traité uniquement avec des tiers libres, en dehors du groupe.

La méthode du partage de bénéfices ou du profit split

Elle consiste à déterminer les bénéfices ou pertes résultant de l’activité conjointe des entreprises liées, pour ensuite les partager « en fonction d’une base économiquement valable qui se rapproche du partage des bénéfices qui aurait été anticipé et reflété dans un accord réalisé en pleine concurrence ».

Pour justifier le choix de cette méthode, il faut être en présence soit des :

  • Opérations hautement intégrées où les entités liées interviennent conjointement sur une même étape de la chaîne de valeur, en développant par exemple des produits ou en les commercialisant ensemble
  • Ou des contributions de valeur consistant en des fonctions, risques, ou actifs pour lesquels il n’existe pas d’équivalents comparables et qui constituent une source importante de profits

En effet, un partage de marge brute aura par exemple du sens si l’activité conjointe concerne uniquement la production ; les coûts de commercialisation, étant engagés de manière non concertée. Par ailleurs, si les profits sont partagés sur la base de coûts, l’impact de la prise en en compte ou non des coûts de R&D sera très significatif.

La méthode transactionnelle de la marge nette

La marge à appliquer dans le cadre d’une transaction intra-groupe devrait être déterminée par référence à la marge nette :

  • Que le même contribuable réalise au titre de transactions comparables sur le marché libre
  • Et /ou qui aurait été obtenue au titre de transactions comparables réalisées par des entreprises indépendantes

Cette marge est définie de la même manière que pour les méthodes du prix de revient et du prix de revente.

Le recours à cet indicateur de la marge nette suppose une certaine similitude dans les actifs déployés et l’exploitation des entreprises comparables. En effet, la marge nette est directement impactée par l’expérience industrielle ou commerciale, la structure du fonds de roulement et par l’efficacité de la gestion.

Choisir la méthode adaptée au contexte transactionnel et conforme aux comparables

Le choix de la méthode est inhérent à l’environnement du pays de la filiale ; soit à son marché (taille, degré de la concurrence et autres) et à sa réglementation fiscale. La politique de prix de transfert dépend également des critères internes propres au groupe tels que ceux liés à son modèle économique, son organisation, son mode de pilotage et à sa stratégie de croissance.

Limiter le risque fiscal par l’application du principe de pleine concurrence

Pour prévenir les risques fiscaux liés aux prix de transfert, l’expert-comptable informera le dirigeant de l’impact qu’un redressement, en la matière, peut engendrer pour l’entreprise et pour ses partenaires. En fonction des faits et des circonstances de chaque entreprise, toutes les méthodes ne permettent pas une approximation correcte des prix de pleine concurrence.

L’administration fiscale a déployé des mécanismes de contrôle et des dispositifs de remise en cause de certaines opérations intra-groupe sur le fondement de la théorie d’acte anormal de gestion ou encore d’abus du droit. A cet égard, il sera rappelé dans ce chapitre des outils permettant au professionnel de sensibiliser son client aux enjeux de contrôle des prix de transfert.

Enjeux de vérification & effets de non application d’un prix de pleine concurrence

Les prix appliqués aux opérations entre une filiale et sa maison mère étrangère ont une incidence sur les différentes parties prenantes dans chacun des pays concernés : les administrations fiscales et douanières, les salariés et, le cas échéant, les actionnaires minoritaires. Par ailleurs, les conséquences d’un contrôle donnant lieu à un redressement ne se limitent pas à la fiscalité et donc à l’impôt sur les sociétés, la CVAE et la TVA ; la révision du bénéfice fiscal impacte directement, à  la hausse ou à la baisse, le montant de la participation des salariés.

Érosion de la base imposable et mise en oeuvre de l’article 57 du code général des impôts

Lors d’un contrôle fiscal, si l’administration constate que le prix de la transaction convenu par les parties liée n’est pas conforme; L’article 57 du CGI lui permet de rectifier cette transaction pour lui procurer un « juste prix ».

L’article 57 mentionne que le contrôle des prix de transfert porte uniquement sur les opérations conclues entres les entreprises liées. A ce titre, il prévoit, l’intégration, pour le paiement de l’impôt dû, des bénéfices transférés par majoration ou diminution du prix d’achat ou de vente ou par tout autre moyen. Sont notamment visés le versement de redevances disproportionnées, la renonciation au paiement des intérêts de prêt, les transactions faites pour un prix inférieur à la valeur économique. Tous ces cas ont déjà été analysés dans ce mémoire de manière à élaborer le diagnostic des transactions liées susceptibles de générer des transferts indirects de bénéfices à l’étranger.

Les redressements notifiés sur la base de l’article 57, soulèvent la problématique de la double imposition et de l’interprétation des conventions internationales. Ce redressement conduit à taxer un bénéfice qui a déjà été imposé dans le pays de l’autre partie impliquée dans la transaction.

La réintégration des montants en question comme des revenus distribués

Si l’administration fiscale opère un redressement, elle effectue un ajustement dit primaire qui consiste dans la correction du résultat fiscal de l’entreprise liée. S’agissant d’une relocalisation, en France, d’une part du bénéfice déjà déclarée dans le pays de l’autre entreprise partie à transaction, cet ajustement soulève des difficultés plus ou moins résolues par les conventions fiscales bilatérales.

En effet, cet ajustement primaire en France génère une double imposition et une réduction du bénéfice. D’où l’importance des conventions fiscales internationales qui prévoient des mécanismes de résolution de cette double imposition donc de répartition cohérente du bénéfice entre les deux pays. Le supplément d’impôt payé en France devrait être remboursé, sous forme d’un crédit d’impôt, au contribuable par l’administration de son pays, on parlera alors d’un ajustement corrélatif. Celui-ci n’est pas systématique dans tous les pays.

L’ajustement secondaire permet de qualifier fiscalement les montants transférés pour ainsi leur appliquer un régime fiscal donné. En général, « la transaction se­condaire prend la forme de reconstitution de dividendes, d’apports en fonds propres ou de prêts ». En France, les sommes réintégrées par l’administration dans les bases de l’impôt, en vertu de l’article 57 du CGI, doivent être considérées, en tout état de cause, comme des revenus distribués.

L’application de la retenue à la source ou RAS

S’agissant des revenus réputés distribués à un bénéficiaire non résident fiscal, ces montants peuvent être soumis, sous réserve des stipulations des conventions fiscales bilatérales, à la retenue à la source et au taux mentionné à l’article 187 du CGL. Cette RAS est due, même en cas de résultat déficitaire de la filiale ayant transféré indirectement du résultat. Lorsque le bénéficiaire des revenus est résident d’un État lié à la France par une convention fiscale, les dispositions de la convention peuvent affecter le champ d’application et le taux de la RAS.

Quel que soit le taux conventionnel, la RAS est calculée par application de la formule suivante : somme distribuée*(taux / (100-taux)).

Le renversement de la charge de la preuve et ses précisions

Le professionnel notera aussi l’importance de la question de la charge de preuve lors d’un litige sur les prix de transfert ; s’agissant d’un domaine où l’analyse appropriée des faits et des circonstances est déterminante. En France, cette charge de la preuve incombe à l’administration, qui doit démontrer initialement que le prix fixé par la filiale ou la maison-mère n’est pas conforme au principe de pleine concurrence. Ensuite la filiale, dont la politique de prix de transfert est remise en cause, apportera les justifications nécessaires aux écarts constatés entre le prix de la transaction liée et le prix du marché. Cette condition n’est pas exigée lorsque le transfert est effectué vers une entreprise établie dans un État à fiscalité privilégiée.

preuve légale

En pratique, l’obligation documentaire de la politique de prix de transfert peut s’analyser comme un renversement de la charge de la preuve au détriment des entreprises. L’expert-comptable et son client devront alors renverser à nouveau la charge de la preuve sur l’administration en lui communiquant une base documentaire avec des données précises et complètes. Si l’entreprise manque à cette obligation, l’administration fiscale peut être habilitée à évaluer d’office ses revenus, sur la base des données dont elle dispose.

Les moyens de contrôle de l’administration fiscale

En plus du dispositif légal dont notamment l’article 57 du CGI et des nouvelles obligations documentaires, l’administration fiscale peut recourir au contrôle des comptabilités informatisées et à l’assistance administrative internationale prévue dans les conventions fiscales.

L’expert-comptable doit connaître ces mécanismes de règlements des litiges en cas de rectification pour ainsi permettre aux entreprises de maîtriser les risques liés aux prix de transfert.

La brigade de la direction des vérifications nationales et internationales & BVCI

La vérification de la comptabilité est exécutée, pour les entreprises qui ne relèvent pas de la DGE, par une des brigades de la DVNI qui est parfois assistée par la brigade de vérification et de contrôle informatisée dite aussi BVCI. Ce vérificateur informaticien a pour mission de valider les données et procédures informatiques qui régissent l’activité de l’entreprise et concourent à la formation du résultat comptable. Lors de cette phase, l’expert-comptable peut coordonner et organiser avec le service informatique les présentations et la documentation à fournir.

  • En premier, il s’agit de présenter au vérificateur un aperçu général de l’ensemble du système d’information par grands pôles d’activités de l’entreprise
  • En second lieu, une cartographie des applications déployées en indiquant les règles de gestion et le détail des processus ou flux de données entre les principaux programmes utilisés
  • Extraire des données qui seront analysées et interprétées à l’appui d’un redressement

À cet égard, le FEC qui doit être remis dès le premier rendez-vous lors d’un contrôle fiscal, vient s’ajouter aux autres procédures légales d’accès aux documents comptables. Aussi, il importe, pour l’expert-comptable, de bien comprendre son articulation avec ces différentes procédures.

La procédure d’échange d’informations fondée sur les conventions fiscales

Le modèle de convention fiscale de l’OCDE prévoit, dans son article 26, une clause d’échange de renseignements qui est largement reprise dans les conventions fiscales bilatérales. La France a aussi conclu un certain nombre d’accords spéciaux d’échange de renseignements inspirés du modèle d’accord sur l’échange de renseignements en matière fiscale et élaboré par l’OCDE en 2002. Depuis 2016, la France est membre de l’accord multilatéral élaboré par l’OCDE et l’UE.

Cet échange de renseignements permet d’identifier et de traiter le risque lié aux prix de transfert. Dès lors, l’administration française demande des renseignements sur la situation de l’entreprise étrangère  concernée  auprès  de l’administration de l’autre État impliqué. Cette procédure est susceptible d’être mise en œuvre, soit en présence d’une convention fiscale conclue par la France avec d’autres États, soit sur le fondement des directives européennes prévues.

La demande d’assistance administrative impacte la procédure de contrôle engagée à l’égard d’un contribuable, notamment au regard du délai de reprise ou de prescription. En effet, l’administration bénéficie d’une prolongation du délai de reprise lui permettant de redresser l’imposition des points visés par la demande de renseignements A titre d’exemple, une demande adressée en juillet 2016 à un État étranger et concernant l’année 2014 permettra à l’administration de notifier les omissions révélées par cette demande jusqu’au 31 juillet 2017 si la réponse intervient avant le 31 décembre 2016, et jusqu’au 31 juillet 2018 si la réponse intervient avant le 31 décembre 2017.

Nouvelles règles documentaires : informations associées à l’article L.13AA du LPF

Cet article prévoit que les entreprises relevant de la DGE doivent préparer une documentation permettant de justifier la politique de prix de transfert. Notre cabinet comptable peut vous aider dans la mise en place de cette documentation.

Les PME qui sont hors champ d’application de cette documentation complète restent soumises à la procédure de l’article L. 13 B du CGI si, au cours du débat oral et contradictoire, l’administration n’a pas obtenu les informations demandées et relatives aux opérations intra-groupe.

L’obligation documentaire est renforcée en cas de transaction avec des entreprises associées établies dans un État ou territoire non coopératif « ETNC ».

Dans ce cas, une documentation complémentaire relative à ces entreprises doit comprendre l’ensemble des informations exigibles des entreprises redevables de l’IS, y compris le bilan et le compte de résultat.

Au-delà de la contrainte réglementaire qui pèse sur elle, l’expert-comptable ou le commissaire aux comptes sensibilise l’entreprise à la sécurité que procure la mise en place cette documentation.

Recoupement avec d’autres domaines de la fiscalité des entreprises

Les facturations intra-groupe peuvent être un levier d’optimisation fiscale par la gestion des déficits et le transfert de bénéfices vers des juridictions fiscales plus favorables. Dès lors, l’expert-comptable, au titre de son devoir de conseil, rappellera les autres instruments juridiques inhérents aux prix de transfert tels que l’acte anormal de gestion, l’abus de droits, la sous-capitalisation et les risques liés aux transactions avec les ETNC.

Les prix de transfert et l’acte anormal de gestion

Lorsque l’administration n’établit pas le lien de dépendance, nécessaire à l’activation de l’article 57 du CGI, elle s’appuiera sur la théorie d’un acte anormal de gestion pour motiver son redressement. L’administration fait application de ce principe aussi bien pour les opérations internes, sans passage de frontière, que pour les opérations internationales de la filiale résidente.

En effet, malgré la liberté de gestion, l’administration peut remettre en cause la déduction fiscale des dépenses qui ne relèveraient pas d’une gestion normale de l’entreprise ou celles qui n’auraient pas été exposées dans l’intérêt social. L’administration constaterait alors un acte anormal de gestion qui a été défini comme étant celui qui est accompli dans le seul intérêt d’un tiers.

Ainsi, le redressement en matière de prix de transfert peut aussi se fonder sur ce concept. Pour ce faire, l’administration doit apporter la preuve du caractère anormal de l’opération, en se référant aux prix pratiqués sur le marché. Les termes de comparaison doivent porter sur des produits et / ou des contreparties de qualités identiques.

Les prix de transfert et l’abus de droit : les mesures

L’abus de droit permet de sanctionner des pratiques qui ne sont pas légalement qualifiées de frauduleuses tout en étant abusives. En effet, L’article 64 du LPF prévoit la possibilité, pour l’administration, de rétablir l’impôt normalement dû s’agissant des comportements fiscaux « constitutifs d’un abus de droit ». Ceux-ci sont des actes sans substance économique n’ayant pour motif exclusif que d’effacer ou réduire l’impôt dû.

Lorsqu’un désaccord subsiste sur les redressements notifiés sur le fondement de l’abus de droit, le comité de l’abus de droit fiscal peut être saisi par le contribuable ou par l’administration fiscale. Le comité rend un avis à la suite d’un débat oral et contradictoire. Si l’administration ne se conforme pas à cet avis, elle doit apporter la preuve du bien-fondé du redressement devant les tribunaux.

Les prix de transfert et la sous-capitalisation

La sous-capitalisation prévue par l’article 212 du CGI, s’inspire également du principe de pleine concurrence et exige que la filiale dispose d’un même niveau de capitaux propres qu’une entreprise indépendante exerçant des activités identiques dans des conditions analogues. L’analyse fonctionnelle, identifiant les actifs et les risques, permet de fixer le montant du financement dont l’entité aura besoin. Par la suite, la répartition de ce financement dit de pleine concurrence entre emprunt et capitaux propres, sera déterminée.

L’expert-comptable appréciera la situation financière de la filiale pour prévenir le risque de non-déductibilité de la totalité des frais financiers en cas d’une situation de sous-capitalisation.

Prix de transfert et régimes fiscaux privilégiés au sens de l’article 238 A du CGI

La procédure de l’abus de droit, évoquée ci-dessous, peut se combiner avec l’article 209 B du CGI. Ce dernier vise à dissuader les réorganisations d’entreprises dont le but est de s’implanter dans des pays à fiscalité privilégiée pour alléger son imposition en France. En effet, par dérogation au principe de territorialité de l’IS, et sous réserve des stipulations conventionnelles, l’article 209 B permet de soumettre à l’IS en France les bénéfices réalisés hors de France.

Pour éviter la double imposition, l’impôt acquitté dans l’autre État et les retenues à la source opérées sur les revenus perçus par l’entité établie dans ce même État sont imputables sur l’IS calculé en France. Les retenues à la source ne sont pas imputables si l’entité est établie dans un ETNC. Ce dispositif n’est pas applicable au sein de l’UE, sauf si l’administration démontre l’existence  d’un montage  artificiel  dont le but serait de contourner la législation fiscale française.

L’article 238 A du CGI encadre strictement la déductibilité des charges payées, par la filiale française, à des entités soumises, dans leur État de résidence, à un régime fiscal privilégié. Dans le cas des ETNC, le principe est celui de la non­ déductibilité. On notera que, pour ces deux cas, le régime de preuve est plus sévère que celui prévu à l’article 57 du CGI, puisque ce sont les entreprises qui doivent justifier du caractère normal des transferts opérés.

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